Il ne s'agit pas ici d'évoquer le chef d'œuvre musico-pédagogique que Segueï Prokofiev écrivit et composa en 1936, mais bien plutôt l'une des nombreuses fables d'Esope, poète de l'antiquité grecque qui inspira souvent notre grand fabuliste du XVIIème. Les hellénistes distingués nous ont transmis cette pièce sous le titre "le garçon qui criait au loup".
De ce conte qui hanta les nuits cauchemardesques de nos vertes années, nous retiendrons qu'il pose la question de la crédibilité à laquelle ne peut prétendre un personnage dont on sait par ailleurs qu'il manipule les villageois depuis longtemps avec un art et une constance consommés.
Pierre Menard ne manque pas d'air en effet lorsqu'il se pose comme défi numéro un pour le prochain mandat de "gérer les finances communales sans augmentation du taux des impôts locaux d'ici 2020". Outre le fait que nous lui accorderons la grâce de considérer que viser les impôts locaux au lieu des impôts communaux résulte d'une erreur de plume plutôt que d'une incompétence avérée en matière de finances publiques, comment pouvons nous ajouter foi à un engagement pris par un élu qui, à peine assis dans le fauteuil de maire, s'empressa de faire voter une augmentation de 30 % des impôts qui relevaient de sa responsabilité ? Il y a forcément un loup quelque part !
Comme à son habitude, Menard se comporte en opportuniste qui cherche à profiter des circonstances sans trop se soucier des principes moraux. « Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis », nous affirmera-t-il probablement avec son assurance tranquille et son sourire de ravi de la crèche. Au moment où il vous glisse habilement dans l'oreille les propos que vous souhaitez entendre, l'opportuniste n'est certes pas un imbécile.
En revanche, il vous prend, vous, pour un imbécile. Et le malheur, c'est que parfois, plus la ficelle est grosse, mieux elle passe.
Dieu fasse qu'à la parfin, comme dans la fable d'Esope, le petit Pierre se fasse croquer tout cru.